Ainsi donc, le 13 Juillet dernier, les Grands Patrons des Télécoms ont-il rendu à la Commission Européenne leur copie, dans un rapport en 11 propositions (dont vous trouverez la version intégrale en suivant ce lien), s'agissant de savoir "Comment atteindre les objectifs de l'Agenda numérique européen", fixé par la dite Commission.
Nous y revenons ici, pour la simple raison que, si rien n'est fait, ces propositions signifient rien moins que la mort de l'Internet associée à une approche néo-libérale débridée de l'Internet qui traduira, à n'en pas douter, un déni, voire un recul de la démocratie là où précisément, le net est un vecteur extrêmement précieux de cette dernière.
Pour connaître le détail factuel des évènements, on pourra par exemple lire le billet publié le 18 Juillet sur le site de Numérama sous le titre "La mort d'internet se confirme un peu plus à Bruxelles".
Il n'est pas inutile de rappeler la constitution du groupe de travail invité à rendre des propositions sur le sujet. En effet, on aurait légitimement pu s'attendre à ce qu'une question aussi centrale tant sur le plan économique que sur le plan démocratique soit débattue non seulement avec les opérateurs des Télécoms, mais aussi avec les internautes-citoyens, les associations représentatives de la neutralité du net, des représentants des entreprises se déployant sur le web (e-commerce), des acteurs du web social, etc.
Bref, si un calendrier numérique européen doit être tenu, il eut été plus que normal que les acteurs de l'Internet et des enjeux qu'ils véhiculent fussent représentés, en tant même qu'ils sont les mieux placés pour traduire les besoins que les infrastructures devront supporter. C'était de bon sens et de saine gestion.
Le choix de la Commission fut tout autre qui n'admit à titre d'uniques représentants au sein du groupe de pilotage que des industriels (Vivendi, Alcatel-Lucent, et Deutsche Telekom). D'emblée, le message était clair: on allait confier l'avenir de l'Internet à la seule logique économique et marchande, qui plus est teintée du néo-libéralisme affiché qui caractérise de longue date l'ensemble des décisions de la Commission Européenne, quel que soit le secteur concerné, et avec le bénéfice que tous les consommateurs européens ont le loisir d'apprécier (les internautes consommateurs n'auront pas oublié par exemple les bienfaits évidents pour leur budget de la libéralisation du marché de l'énergie...).
Le résultat et les 11 propositions remises passent tout ce qu'on aurait pu concevoir en termes de négation de ce qu'est l'Internet; en termes d'incurie de la part des opérateurs des Télécoms pour ce qui est d'avoir anticité ses évolutions; en termes de cynisme absolu pour ce qui est de la répartition de la charge des investissements à consentir; en termes de recul et de déni démocratique majeurs, s'agissant du modèle d'Internet ainsi proposé.
Nous n'entendons pas faire ici l'étude approfondie de chacune des propositions, nous concentrant sur la 8ème dont nous reproduisons l'énoncé in extenso:
"8-Le marché des réseaux d’accès de nouvelle génération sera différencié en fonction des spécificités locales. Par principe, si les acteurs du marché souhaitent investir dans des délais raisonnables, les investissements privés seront prioritaires. Dans les zones géographiques ou la concurrence par les infrastructures ne se déploie pas, on encouragera les modèles de coinvestissement (ce qui implique au moins deux parties). Des financements publics doivent être mis à disposition pour le déploiement d’accès de nouvelle génération dans les zones où un tel déploiement n’aurait pas été possible autrement."
Décryptage:
Cette mélodie est hélas trop bien connue. Là où les opérateurs Télécoms vont réaliser des profits monstrueux, selon leur bon vouloir et hors toute considération de développement économique ou de politique du territoire par exemple, après avoir été imprévoyants sur le devenir du web et des big data tout en engrangeant une première fois une manne inégalée, on trouve tout naturel de laisser les Etats assurer le financement des infrastructures moins rentables, la notion de "coinvestissement" ne reflétant qu'un rapport de force lui aussi bien connu dans de multiples autres secteurs, qui consiste pour les opérateurs privés à se désengager dès lors que la rentabilité n'est pas au rendez-vous.
Les Etats, c'est à dire les contribuables. Donc ce rapport préconise ni plus ni moins un véritable racket des internautes-consommateurs-citoyens! Racket mis en oeuvre par deux fois: Une première fois en tant que clients d'entreprises privées; puis une seconde fois en tant que contribuables.
En d'autres termes, l'Etat financera les profits des opérateurs privés au détriment du droit fondamental d'accès à Internet. A un Internet illimité et pour un coût marginal, puisque l'Internet est devenu un enjeu démocratique au demeurant pas même évoqué de façon centrale dans les propositions. C'est dire si l'Internet n'apparait pour ces opérateurs que comme une immense source de profit et à aucun moment comme un enjeu social, économique et politique majeur.
On oublie au passage la gouvernance du web que l'on abandonne aux forces des géants des Télécoms, ce qui est un déni de démocratie. On admet également sans ciller le fait que l'Internet puisse être à plusieurs vitesses, en fonction des objectifs de ROI des opérateurs, cela va de soi.
Un tel ensemble de propositions est proprement inacceptable, cynique, inéquitable, anti-démocratique. Ce type de charte constitue un infâme brouet (une immonde "bouillie pour les chats" si le lecteur préfère...) technocratique qui ne masque, et encore fort mal, qu'une seule chose: la spéculation sur l'Internet pour des intérêts privés, au détriment et au préjudice des citoyens internautes. Inqualifiable!
C'est de cela dont il fallait parler lors de l'eg8 qui s'est tenu en Juin en France et qui n'a accouché d'absolument rien, MM les participants. Et l'on comprend pourquoi rétrospectivement. Faute d'option de gouvernance de l'Internet au plan international, on laissait les mains entièrement libres aux opérateurs Télécoms pour spéculer de façon éhontée. La preuve aura été administrée sans délais. Vous avez dit lobbying actif?...
Un Internet tel que celui que les opérateurs Télécoms recommandent à la Commission Européenne et tentent d'imposer à tous, accessible de façon aléatoire à certains, et par paliers économiques, constitue une atteinte directe à la démocratie par négation de l'égalité, en même temps qu'une atteinte au développement.
Pour ce qui est de la France, plutôt que de vouloir placer dans notre constitution une "règle d'or" qui n'est rien d'autre qu'une notion comptable et qu'un principe de bonne gestion, conférant ainsi de façon hérétique à la comptabilité le rang de droit, il faudrait plutôt et toutes affaires cessantes y mettre l'accès pour tous et sans limite au web. Qui constitue pour le coup un droit fondamental et authentique, lui.
Les opérateurs privés auront thésaurisé sans investir et veulent désormais obliger l'internaute-consommateur-citoyen à payer à nouveau, tout en réalisant sur son compte et sur celui des Etats des profits subventionnés. Voilà qui est fort singulier en période d'austérité budgétaire; qui constitue un bel objet d'étude pour une Commission Européenne qui prétend traquer les formes indirectes et subtiles de subvention qui viennent fausser, de son point de vue, le libre jeu du marché et de la concurrence; et qui est proprement insoutenable sur le plan démocratique.
La Commission Européenne ne brille pas par son indépendance à l'égard des poids lourds de tous les secteurs de l'économie. Pourquoi en irait-il ici autrement, s'agissant de l'Internet? Les 11 propositions ne font rien d'autre que traduire une idéologie ultra-libérale qui n'a plus désormais aucun scrupule à s'afficher comme telle, appliquée à l'Internet.
Si de telle propositions sont adoptées et mises en oeuvre, l'Internet est effectivement mort. Et la démocratie aura encore un peu plus reculé, d'inévitables inégalités surgissant entre les internautes citoyens et entre les territoires.
Les politiques européens décrient la Chine et sa censure. Nous observons que l'on s'apprête ici à appliquer un schéma beaucoup plus subtil mais tout aussi efficace de censure, par introduction d'inégalités d'accès à l'Internet en raison de contraintes économiques injustifiables.
Nous avons déjà entendu les cris d'orfraie de ceux qui dénoncent l'amalgame. Force est néanmoins de constater que si la Commission Européenne suit la voie ainsi tracée par les Géants des Télécoms pour l'Internet, qui répond en réalité pleinement à ses attentes puisqu'en complète adéquation avec sa conception orthodoxe et aberrante d'un marché qui s'autorégule (comme si qui que ce soit pouvait encore souscrire à cette théorie), elle se rendra et rendra les Etats et les opérateurs Télécoms complices d'un déni de démocratie qui vaut largement la censure directe appliquée ailleurs. Sans parler de la ponction sur le budget des ménages et du coup de frein brutal mis à l'essor d'un Internet dont il est par ailleurs largement démontré, multiples études à l'appui, qu'il constitue un moteur unique et privilégié de croissance, à la différence de l'ensemble des "anciennes" activités qui périclitent aujourd'hui (on se rappellera par exemple que l'Internet génère 4 fois plus de croissance que le secteur automobile, moribond, et artificiellement maintenu).
Dont acte: les Opérateurs Télécoms proposent de tuer à la fois l'Internet et la Croissance, pour maintenir leur propre niveau de profitabilité. Et sans doute avec la bénédiction à venir de la Commission Européenne. Voilà qui est fort responsable, incontestablement.
Nos chers et éminents Commissaires Européens feraient bien d'y réfléchir à deux fois. En laissant les opérateurs Télécoms réaliser à nouveau une très belle opération spéculative aux dépends des internautes consommateurs et citoyens, des entreprises, et même des Etats, le risque est grand de tuer la poule aux œufs d'or.
Bref, si un calendrier numérique européen doit être tenu, il eut été plus que normal que les acteurs de l'Internet et des enjeux qu'ils véhiculent fussent représentés, en tant même qu'ils sont les mieux placés pour traduire les besoins que les infrastructures devront supporter. C'était de bon sens et de saine gestion.
Le choix de la Commission fut tout autre qui n'admit à titre d'uniques représentants au sein du groupe de pilotage que des industriels (Vivendi, Alcatel-Lucent, et Deutsche Telekom). D'emblée, le message était clair: on allait confier l'avenir de l'Internet à la seule logique économique et marchande, qui plus est teintée du néo-libéralisme affiché qui caractérise de longue date l'ensemble des décisions de la Commission Européenne, quel que soit le secteur concerné, et avec le bénéfice que tous les consommateurs européens ont le loisir d'apprécier (les internautes consommateurs n'auront pas oublié par exemple les bienfaits évidents pour leur budget de la libéralisation du marché de l'énergie...).
Le résultat et les 11 propositions remises passent tout ce qu'on aurait pu concevoir en termes de négation de ce qu'est l'Internet; en termes d'incurie de la part des opérateurs des Télécoms pour ce qui est d'avoir anticité ses évolutions; en termes de cynisme absolu pour ce qui est de la répartition de la charge des investissements à consentir; en termes de recul et de déni démocratique majeurs, s'agissant du modèle d'Internet ainsi proposé.
Nous n'entendons pas faire ici l'étude approfondie de chacune des propositions, nous concentrant sur la 8ème dont nous reproduisons l'énoncé in extenso:
"8-Le marché des réseaux d’accès de nouvelle génération sera différencié en fonction des spécificités locales. Par principe, si les acteurs du marché souhaitent investir dans des délais raisonnables, les investissements privés seront prioritaires. Dans les zones géographiques ou la concurrence par les infrastructures ne se déploie pas, on encouragera les modèles de coinvestissement (ce qui implique au moins deux parties). Des financements publics doivent être mis à disposition pour le déploiement d’accès de nouvelle génération dans les zones où un tel déploiement n’aurait pas été possible autrement."
Décryptage:
Cette mélodie est hélas trop bien connue. Là où les opérateurs Télécoms vont réaliser des profits monstrueux, selon leur bon vouloir et hors toute considération de développement économique ou de politique du territoire par exemple, après avoir été imprévoyants sur le devenir du web et des big data tout en engrangeant une première fois une manne inégalée, on trouve tout naturel de laisser les Etats assurer le financement des infrastructures moins rentables, la notion de "coinvestissement" ne reflétant qu'un rapport de force lui aussi bien connu dans de multiples autres secteurs, qui consiste pour les opérateurs privés à se désengager dès lors que la rentabilité n'est pas au rendez-vous.
Les Etats, c'est à dire les contribuables. Donc ce rapport préconise ni plus ni moins un véritable racket des internautes-consommateurs-citoyens! Racket mis en oeuvre par deux fois: Une première fois en tant que clients d'entreprises privées; puis une seconde fois en tant que contribuables.
En d'autres termes, l'Etat financera les profits des opérateurs privés au détriment du droit fondamental d'accès à Internet. A un Internet illimité et pour un coût marginal, puisque l'Internet est devenu un enjeu démocratique au demeurant pas même évoqué de façon centrale dans les propositions. C'est dire si l'Internet n'apparait pour ces opérateurs que comme une immense source de profit et à aucun moment comme un enjeu social, économique et politique majeur.
On oublie au passage la gouvernance du web que l'on abandonne aux forces des géants des Télécoms, ce qui est un déni de démocratie. On admet également sans ciller le fait que l'Internet puisse être à plusieurs vitesses, en fonction des objectifs de ROI des opérateurs, cela va de soi.
Un tel ensemble de propositions est proprement inacceptable, cynique, inéquitable, anti-démocratique. Ce type de charte constitue un infâme brouet (une immonde "bouillie pour les chats" si le lecteur préfère...) technocratique qui ne masque, et encore fort mal, qu'une seule chose: la spéculation sur l'Internet pour des intérêts privés, au détriment et au préjudice des citoyens internautes. Inqualifiable!
C'est de cela dont il fallait parler lors de l'eg8 qui s'est tenu en Juin en France et qui n'a accouché d'absolument rien, MM les participants. Et l'on comprend pourquoi rétrospectivement. Faute d'option de gouvernance de l'Internet au plan international, on laissait les mains entièrement libres aux opérateurs Télécoms pour spéculer de façon éhontée. La preuve aura été administrée sans délais. Vous avez dit lobbying actif?...
Un Internet tel que celui que les opérateurs Télécoms recommandent à la Commission Européenne et tentent d'imposer à tous, accessible de façon aléatoire à certains, et par paliers économiques, constitue une atteinte directe à la démocratie par négation de l'égalité, en même temps qu'une atteinte au développement.
Pour ce qui est de la France, plutôt que de vouloir placer dans notre constitution une "règle d'or" qui n'est rien d'autre qu'une notion comptable et qu'un principe de bonne gestion, conférant ainsi de façon hérétique à la comptabilité le rang de droit, il faudrait plutôt et toutes affaires cessantes y mettre l'accès pour tous et sans limite au web. Qui constitue pour le coup un droit fondamental et authentique, lui.
Les opérateurs privés auront thésaurisé sans investir et veulent désormais obliger l'internaute-consommateur-citoyen à payer à nouveau, tout en réalisant sur son compte et sur celui des Etats des profits subventionnés. Voilà qui est fort singulier en période d'austérité budgétaire; qui constitue un bel objet d'étude pour une Commission Européenne qui prétend traquer les formes indirectes et subtiles de subvention qui viennent fausser, de son point de vue, le libre jeu du marché et de la concurrence; et qui est proprement insoutenable sur le plan démocratique.
La Commission Européenne ne brille pas par son indépendance à l'égard des poids lourds de tous les secteurs de l'économie. Pourquoi en irait-il ici autrement, s'agissant de l'Internet? Les 11 propositions ne font rien d'autre que traduire une idéologie ultra-libérale qui n'a plus désormais aucun scrupule à s'afficher comme telle, appliquée à l'Internet.
Si de telle propositions sont adoptées et mises en oeuvre, l'Internet est effectivement mort. Et la démocratie aura encore un peu plus reculé, d'inévitables inégalités surgissant entre les internautes citoyens et entre les territoires.
Les politiques européens décrient la Chine et sa censure. Nous observons que l'on s'apprête ici à appliquer un schéma beaucoup plus subtil mais tout aussi efficace de censure, par introduction d'inégalités d'accès à l'Internet en raison de contraintes économiques injustifiables.
Nous avons déjà entendu les cris d'orfraie de ceux qui dénoncent l'amalgame. Force est néanmoins de constater que si la Commission Européenne suit la voie ainsi tracée par les Géants des Télécoms pour l'Internet, qui répond en réalité pleinement à ses attentes puisqu'en complète adéquation avec sa conception orthodoxe et aberrante d'un marché qui s'autorégule (comme si qui que ce soit pouvait encore souscrire à cette théorie), elle se rendra et rendra les Etats et les opérateurs Télécoms complices d'un déni de démocratie qui vaut largement la censure directe appliquée ailleurs. Sans parler de la ponction sur le budget des ménages et du coup de frein brutal mis à l'essor d'un Internet dont il est par ailleurs largement démontré, multiples études à l'appui, qu'il constitue un moteur unique et privilégié de croissance, à la différence de l'ensemble des "anciennes" activités qui périclitent aujourd'hui (on se rappellera par exemple que l'Internet génère 4 fois plus de croissance que le secteur automobile, moribond, et artificiellement maintenu).
Dont acte: les Opérateurs Télécoms proposent de tuer à la fois l'Internet et la Croissance, pour maintenir leur propre niveau de profitabilité. Et sans doute avec la bénédiction à venir de la Commission Européenne. Voilà qui est fort responsable, incontestablement.
Nos chers et éminents Commissaires Européens feraient bien d'y réfléchir à deux fois. En laissant les opérateurs Télécoms réaliser à nouveau une très belle opération spéculative aux dépends des internautes consommateurs et citoyens, des entreprises, et même des Etats, le risque est grand de tuer la poule aux œufs d'or.